L’avortement en Belgique : un droit largement soutenu mais des défis persistent

Un sondage Amnesty International révèle que 92,5% des Belges soutiennent le droit à l’avortement, tout en pointant les obstacles à son accès et la nécessité de rester vigilants.

Une enquête menée par iVOX pour Amnesty International en juin 2025 auprès de 2000 personnes représentatives de la population belge dresse un état des lieux éclairant sur la perception de l’avortement dans le pays. Les résultats témoignent d’un consensus social fort en faveur de ce droit, mais aussi d’inquiétudes quant à sa préservation et son accessibilité.

Un consensus sociétal massif

Le chiffre est sans appel : 92,5% des Belges se déclarent favorables au droit à l’avortement. Cette adhésion massive transcende les régions, les genres et les générations, même si des nuances existent. Seuls 4% s’opposent totalement à l’avortement en toutes circonstances, un pourcentage particulièrement faible qui souligne l’ancrage de ce droit dans les valeurs de la société belge.

Plus significatif encore, 86% des répondants affirment que « l’avortement devrait toujours être le choix de la personne qui avorte », revendiquant ainsi une autonomie corporelle pleine et entière. Cette position de principe s’accompagne d’une demande concrète : 82% souhaitent que chaque personne puisse accéder à l’avortement légalement, sans discrimination et en toute sécurité.

Un paradoxe : soutien fort mais sujet tabou

Malgré ce soutien massif, 67% des Belges considèrent paradoxalement l’avortement comme un sujet tabou dans la société. Cette contradiction révèle un décalage entre les convictions personnelles et le débat public, où le sujet reste difficile à aborder ouvertement. Ce silence relatif pourrait expliquer pourquoi 35% des Belges avouent ne pas connaître le cadre légal actuel, et pourquoi seuls 9,7% le maîtrisent précisément.

Une vigilance jugée nécessaire

L’actualité internationale pèse sur les perceptions : 78% des Belges s’inquiètent de voir le droit à l’avortement remis en question dans certains pays, et 84% jugent important de rester vigilants pour protéger ce droit en Belgique. Cette préoccupation n’est pas infondée au regard des reculs observés dans plusieurs démocraties occidentales ces dernières années.

« Les droits acquis ne sont jamais définitifs », pourrait-on lire en filigrane de ces résultats. Les répondants semblent avoir intégré que les avancées sociales peuvent être remises en cause et qu’une mobilisation continue est nécessaire pour les préserver.

Des obstacles persistants à lever

Le sondage identifie clairement les barrières qui entravent encore l’accès à l’avortement. La pression sociale et la peur du jugement arrivent en tête (45%), suivies des raisons culturelles ou religieuses (39%). Ces obstacles « soft » mais puissants créent un environnement où exercer son droit reste difficile pour certaines femmes.

S’y ajoutent des obstacles pratiques : l’opposition du partenaire (27%), les délais d’attente trop longs dus à la pénurie de médecins pratiquant l’IVG (23%), et le délai légal de 12 semaines jugé trop court (22%). Ces éléments dessinent les contours d’un système qui, bien que légal, n’offre pas un accès équitable à toutes.

Vers une évolution du cadre légal ?

Face à ces constats, les Belges plébiscitent plusieurs évolutions. Près de la moitié (47%) sont favorables à un allongement du délai légal pour permettre l’accès à l’avortement plus tard dans la grossesse. Cette demande fait écho aux débats actuels sur l’extension du délai de 12 à 18 semaines.

Plus fondamentalement, 74% souhaitent que l’avortement soit reconnu comme un droit fondamental, et 73% qu’il soit considéré comme un soin de santé à part entière. Ces revendications vont dans le sens d’une normalisation et d’une dépénalisation complète de l’acte.

Une réalité personnelle pour beaucoup

Le sondage lève aussi le voile sur la réalité vécue : 11% des répondants ont déjà avorté, et 39% connaissent quelqu’un qui l’a fait. Ces chiffres rappellent que l’avortement n’est pas une abstraction politique mais une réalité concrète qui touche de nombreuses familles belges.

Les jeunes de moins de 34 ans sont particulièrement concernés (17% ont déjà avorté), soulignant l’importance de politiques adaptées à cette tranche d’âge, notamment en matière d’information et d’accessibilité.

Conclusion : consolider et progresser

Ce sondage dresse le portrait d’une Belgique largement acquise au droit à l’avortement mais consciente de sa fragilité. Si le consensus social est fort, les défis restent nombreux : lever les tabous, améliorer l’information, faciliter l’accès et adapter le cadre légal aux réalités d’aujourd’hui.

Les résultats constituent un appel à l’action pour les décideurs politiques et les acteurs de la santé. Dans un contexte international où ce droit recule dans certains pays, la Belgique a l’opportunité de montrer l’exemple en consolidant et en améliorant l’accès à l’avortement pour toutes les personnes qui en ont besoin.


Enquête réalisée en ligne par iVOX pour Amnesty International du 2 au 14 juin 2025 auprès de 2000 personnes représentatives de la population belge. Marge d’erreur maximale : 2,2%.