La redéfinition dangereuse du « terrorisme » par l’administration Trump

Le récent rapport du Crisis Group, publié le 15 avril 2025, met en lumière une évolution particulièrement inquiétante dans la politique américaine : l’administration Trump, dans son second mandat, utilise désormais le cadre juridique et rhétorique de la « guerre contre le terrorisme » pour cibler des adversaires qui n’ont rien à voir avec le terrorisme traditionnellement défini.

Une nouvelle cible : les cartels, les migrants et les opposants politiques

Comme l’analyse Brian Finucane, conseiller principal pour les États-Unis au Crisis Group, le président Trump a repris les rênes de la campagne militaire contre les militants islamistes avec une intensité renouvelée, en abrogeant notamment les restrictions imposées par l’administration Biden sur les frappes antiterroristes.

Mais l’innovation la plus inquiétante est ailleurs : l’administration Trump redéploie maintenant les outils et la rhétorique antiterroriste contre trois nouvelles cibles :

  1. Les cartels de la drogue : En février, huit organisations criminelles latino-américaines ont été désignées comme « organisations terroristes étrangères » (FTO), une première dans l’histoire américaine.
  2. Les migrants : Dès le premier jour de son second mandat, Trump a déclaré que la migration à la frontière sud constituait une « invasion », déployant des troupes supplémentaires et utilisant la base de Guantánamo pour détenir des migrants.
  3. Les opposants politiques intérieurs : L’administration utilise la rhétorique antiterroriste pour discréditer ses adversaires politiques, qualifiant de « sympathisants terroristes » des étudiants participant à des manifestations.

Une menace pour l’État de droit et la paix régionale

Cette réappropriation des outils antiterroristes pose plusieurs problèmes fondamentaux :

  • Contrairement à la guerre contre le terrorisme lancée après le 11 septembre 2001, qui répondait à une attaque ayant causé près de 3 000 morts, les nouvelles cibles désignées n’ont commis aucune action terroriste comparable contre les États-Unis.
  • L’administration Trump exploite les désignations « terroristes » pour débloquer des pouvoirs statutaires autrement indisponibles, comme l’invocation de l’Alien Enemies Act (loi de 1798) contre le gang vénézuélien Tren de Aragua.
  • Ces actions préparent potentiellement le terrain pour des opérations militaires américaines au Mexique contre les cartels de la drogue, ce qui pourrait déstabiliser davantage la région.

Des pratiques qui rappellent les pires excès post-11 septembre

Le rapport souligne que certaines actions de l’administration Trump évoquent les excès de l’ère Bush, mais avec une théâtralité accrue. Par exemple :

  • La déportation présumée de membres de gangs vers la prison CECOT au Salvador rappelle les « restitutions extraordinaires » de l’ère Bush, mais avec des vidéos produites professionnellement pour vanter ces opérations.
  • Les responsables de la sécurité nationale posent en tenue paramilitaire pour les caméras, transformant les politiques de sécurité en spectacle médiatique.

Une réponse nécessaire du Congrès

Comme le conclut le Crisis Group, cette évolution menace l’État de droit aux États-Unis et la sécurité régionale. Les défis que représentent les cartels de la drogue, la migration et l’opposition politique ne peuvent être résolus en les qualifiant de « terrorisme ».

Le rapport appelle le Congrès américain à agir, même si les partisans de Trump y sont majoritaires. Les législateurs devraient préparer des projets de loi pour rallier l’opposition politique et éduquer le public américain sur les risques que posent ces actions, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger.

Cette analyse du Crisis Group rappelle que l’extension arbitraire du concept de « terrorisme » (et de façon générale le manque de clarté de celui-ci) menace non seulement les valeurs démocratiques mais risque également d’entraîner les États-Unis — mais aussi d’autres pays, on l’a vu suite aux attentats terroristes en Europe — dans des conflits inutiles aux conséquences imprévisibles.


Cet article s’appuie sur le rapport « The Trump Administration’s ‘Wars on Terror’ – Old and New » publié par le Crisis Group le 15 avril 2025.