La désinformation politique : une arme du populisme radical de droite

L’étude menée par les chercheurs Petter Törnberg et Juliana Chueri analyse les publications Twitter de 8198 parlementaires dans 26 pays sur six ans (2017-2022). En croisant ces données avec des bases recensant les sources d’information peu fiables, les chercheurs ont pu établir un « score de fiabilité » pour chaque parti politique.

Le populisme radical de droite, champion de la désinformation

Les résultats sont sans appel : les partis populistes radicaux de droite diffusent significativement plus de désinformation que les autres formations politiques. Fait notable, ni le populisme seul, ni le positionnement à droite ne suffisent à expliquer cette propension. C’est bien la combinaison du populisme et du radicalisme de droite qui constitue le cocktail le plus toxique pour la qualité de l’information.

Une stratégie politique délibérée

Cette utilisation intensive de la désinformation n’est pas le fruit du hasard. Elle s’inscrit dans une stratégie politique visant à saper la confiance dans les institutions démocratiques. En créant leur propre écosystème médiatique alternatif, ces partis cherchent à imposer leurs narratifs en contournant les médias traditionnels qu’ils accusent de partialité.

L’économie de l’attention comme alliée

Le modèle économique des réseaux sociaux, basé sur l’engagement et le temps d’attention, favorise paradoxalement cette stratégie. Les contenus provocateurs et sensationnalistes, souvent porteurs de désinformation, génèrent plus d’interactions que l’information traditionnelle. Une dynamique que les populistes radicaux ont parfaitement intégrée à leur communication.

Des implications majeures pour nos démocraties

Cette recherche souligne l’urgence de repenser notre approche de la désinformation. Plus qu’un problème technologique lié aux réseaux sociaux, elle apparaît comme un outil politique servant des objectifs de déstabilisation démocratique. La lutte contre la désinformation ne peut donc se limiter à des solutions techniques mais doit intégrer une dimension politique.

Les chercheurs soulignent également la nécessité de distinguer les différentes formes de populisme. Si le populisme de gauche partage certaines critiques des élites avec son pendant droitier, il ne recourt pas aux mêmes stratégies de désinformation, préférant concentrer son discours sur les inégalités économiques.

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Vers une prise de conscience collective ?

Face à ces conclusions, la nécessité d’une réponse coordonnée s’impose. Citoyens, médias traditionnels et institutions démocratiques doivent collaborer pour préserver un espace informationnel de qualité. Le développement des « soft skills » dans l’enseignement, de la détection des fausses informations et plus fondamentalement, de l’esprit critique, c’est essentiel. Car derrière la question de la désinformation se joue l’avenir même de nos démocraties.

Cette étude marque un tournant dans la compréhension du phénomène de la désinformation politique. En démontrant son lien étroit avec le populisme radical de droite, elle invite à dépasser les approches purement techniques pour adopter une vision plus politique de cet enjeu majeur de notre temps.

Si l'étude de Törnberg et Chueri couvre la période 2017-2022, le paysage de la désinformation politique a considérablement évolué depuis. Deux phénomènes majeurs méritent d'être soulignés :
— D'une part, la frontière entre droite traditionnelle et extrême droite s'est progressivement estompée dans plusieurs démocraties occidentales. Les chercheurs notent d'ailleurs dans leur étude que les scores de désinformation des partis conservateurs sont relativement élevés, suggérant déjà cette tendance. Cette porosité croissante s'explique notamment par la concurrence électorale et la volonté de certains partis traditionnels de reconquérir un électorat séduit par les discours plus radicaux.
- D'autre part, les techniques de désinformation se sont sophistiquées, notamment avec l'émergence de l'intelligence artificielle générative. Ces nouveaux outils permettent de produire massivement du contenu trompeur de plus en plus crédible, rendant la distinction entre information et désinformation toujours plus délicate pour les citoyens.
Ces évolutions récentes soulignent l'importance d'actualiser régulièrement nos connaissances sur les stratégies de désinformation politique, un phénomène en constante mutation qui menace la qualité du débat démocratique.

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