CPI: PAS DE DEUX POIDS, DEUX MESURES

La Cour pénale internationale (CPI) se trouve actuellement dans une position particulièrement délicate, alors que s’ouvre sa grande réunion annuelle à La Haye. Cette Assemblée des États parties (AEP), qui rassemble les 124 pays signataires du Statut de Rome, revêt cette année une importance capitale dans un contexte de tensions diplomatiques sans précédent. Les discussions porteront non seulement sur le fonctionnement de l’institution et son budget pour l’année à venir, mais aussi sur les nombreux défis auxquels elle fait face.

Au cœur des débats se trouve la récente décision de la CPI d’émettre des mandats d’arrêt contre plusieurs hauts responsables israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ainsi qu’un dirigeant du Hamas, dans le cadre de son enquête sur la situation en Palestine. Cette action judiciaire, qui s’inscrit dans le cadre plus large des 16 enquêtes menées par la Cour à travers le monde, a déclenché une vague de réactions diplomatiques d’une ampleur exceptionnelle.

La réaction américaine illustre particulièrement l’intensité des pressions exercées sur la Cour. Bien que les États-Unis ne soient pas membres de la CPI, des parlementaires américains ont formulé des menaces inquiétantes, notamment le sénateur Lindsey Graham qui a appelé à la mise en œuvre d’un projet de loi visant à imposer des sanctions à l’institution, ses fonctionnaires et ses soutiens. Cette initiative, adoptée par la Chambre des représentants en juin, s’inspire directement des mesures punitives instaurées par l’administration Trump en 2020, marquant une continuité préoccupante dans l’hostilité américaine envers la Cour.

Plus surprenant encore est le positionnement ambigu de certains États membres, à l’image de la France, dont le soutien traditionnel à la CPI semble s’éroder. Le gouvernement français a récemment avancé l’argument selon lequel Netanyahu bénéficierait d’une immunité en tant que chef d’État d’un pays non-membre de la CPI, une interprétation juridique que les juges de la Cour ont déjà explicitement rejetée, notamment dans le cas du président russe Vladimir Poutine lors de son voyage en Mongolie.

« La France doit confirmer qu’elle respecte son obligation légale univoque, d’appliquer les mandats d’arrêts et de remettre à la CPI les personnes inculpées si elles se trouvent sur son territoire. »

Anne Savinel-Barras

Présidente d’Amnesty International France.

Cette position française met en lumière un « deux poids deux mesures » occidental particulièrement frappant. En effet, les mêmes pays qui soutiennent vigoureusement la CPI dans ses poursuites contre Poutine pour l’enlèvement présumé d’enfants ukrainiens adoptent une posture nettement plus réservée, voire hostile, lorsque les mandats d’arrêt visent d’autres dirigeants. Cette incohérence souligne une vérité fondamentale : l’attention portée aux crimes de guerre ne peut être sélective si l’on souhaite préserver la crédibilité du droit international.

« Si vous ne vous préoccupez des crimes de guerre que lorsque vos ennemis les commettent, alors vous ne vous préoccupez pas vraiment des crimes de guerre. »

Andrew Stroehlein
Directeur des relations médias en Europe

Les pressions sur la CPI ne se limitent pas au camp occidental. La Russie, bien que non-membre de l’institution, a riposté au mandat d’arrêt contre Poutine en émettant ses propres mandats d’arrêt à l’encontre du procureur de la CPI et de certains juges, illustrant une nouvelle forme de contestation de l’autorité de la Cour.

Dans ce contexte tendu, l’Assemblée des États parties représente une opportunité cruciale pour les pays membres de réaffirmer leur engagement envers la CPI et ses principes fondateurs. Cela implique non seulement de garantir à l’institution les ressources financières et politiques nécessaires à son fonctionnement, mais aussi de réitérer sans ambiguïté l’obligation légale d’exécuter ses mandats d’arrêt, indépendamment de l’identité ou du statut des personnes concernées.

La mission de la CPI, qui consiste à rendre justice pour les crimes d’atrocité les plus graves à l’échelle mondiale, ne peut être accomplie sans un soutien ferme et constant de ses États membres. Les victimes de ces crimes comptent sur l’engagement indéfectible de la communauté internationale à faire respecter le droit international humanitaire, sans considération de politique ou de géographie. L’avenir de la justice pénale internationale dépendra largement de la capacité des États à dépasser leurs intérêts particuliers pour soutenir cette mission universelle.

Les défis actuels auxquels fait face la CPI soulignent plus que jamais l’importance d’une institution judiciaire internationale forte et indépendante. La crédibilité et l’efficacité de la Cour reposent sur sa capacité à appliquer la justice de manière équitable et impartiale, un objectif qui ne peut être atteint que si ses États membres maintiennent un soutien cohérent et uniforme à ses actions, quelles que soient les circonstances politiques du moment.

Pour plus d’informations:

Benjamin Netanyahu, Yoav Gallant et Mohammed Al Masri doivent comparaître devant la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité

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