Page de synthèse d’un article de Wired: This AI Tool Helped Convict People of Murder. Then Someone Took a Closer Look
Dans un contexte où les forces de l’ordre cherchent constamment à améliorer leurs capacités d’enquête, une entreprise canadienne nommée Global Intelligence a fait son entrée sur le marché avec une technologie prometteuse appelée Cybercheck. Cet outil, vendu comme une solution de pointe pour la géolocalisation des suspects, soulève aujourd’hui de sérieuses questions quant à son efficacité et sa légalité.
Une promesse technologique séduisante
Cybercheck se présente comme un système capable de géolocaliser une personne en temps réel ou dans le passé, en utilisant uniquement des données de source ouverte. Selon Adam Mosher, le fondateur de Global Intelligence, Cybercheck utilise plus de 700 algorithmes pour analyser le « profil cybernétique » d’un individu, constitué de ses identifiants en ligne, et déterminer les réseaux sans fil avec lesquels il a interagi.
Cette technologie, vendue pour seulement 309 dollars par affaire, promet des capacités de surveillance comparables à celles des agences de renseignement nationales. Depuis 2017, Cybercheck aurait été utilisé par 345 organismes d’application de la loi différents pour environ 24 000 recherches.
Encadré : Qu’est-ce qu’un « profil cybernétique » ?
Selon Adam Mosher, un profil cybernétique est un amalgame de noms, pseudonymes, adresses e-mail, numéros de téléphone, adresses IP, identifiants Google et autres identifiants en ligne qui se combinent pour créer l’empreinte numérique unique d’une personne.
Des résultats contestés
Malgré les affirmations de Global Intelligence sur l’efficacité de Cybercheck, de nombreux cas ont mis en lumière des incohérences et des erreurs dans les rapports générés par le système.
Dans l’affaire du meurtre de Tyree Halsell à Akron, Ohio, Cybercheck a produit deux rapports identiques plaçant le suspect, Phillip Mendoza, sur les lieux du crime à 18 jours d’intervalle, avec le même niveau de précision. Cette incohérence a conduit les procureurs à retirer les preuves fournies par Cybercheck dans plusieurs affaires de meurtre.
D’autres services de police ont signalé des problèmes similaires. Le Bureau d’enquête criminelle de l’Ohio a constaté que certaines pistes fournies par Cybercheck n’ont pas abouti, tandis que le bureau du shérif du comté de Yakima, dans l’État de Washington, a déclaré ne pas recevoir « beaucoup d’informations ou des informations précises » de l’outil.
Des questions sur la méthodologie
L’un des aspects les plus controversés de Cybercheck est son manque de transparence. Le système ne conserve pas de preuves à l’appui de ses conclusions et n’indique pas où il puise ses données ni comment il établit des liens entre différents points de données.
Cette opacité a suscité des critiques de la part d’experts en renseignement de source ouverte (OSINT). Rob Lee, expert en OSINT au SANS Institute, affirme qu’il est hautement improbable que certaines des informations contenues dans les rapports Cybercheck puissent être obtenues à partir de sources accessibles au public.
Encadré : L’avis d’un expert
« L’affirmation selon laquelle il est possible d’atteindre ce niveau de précision en utilisant uniquement des données de source ouverte, sans autre validation ni transparence des méthodes et des sources de données de l’outil, est très suspecte et discutable. » – Rob Lee, SANS Institute
Les implications juridiques
L’utilisation de Cybercheck dans les enquêtes criminelles soulève également des questions juridiques. Dans plusieurs affaires, les avocats de la défense ont contesté l’admissibilité des rapports Cybercheck comme preuves, arguant que le manque de transparence du système viole les droits des accusés à un procès équitable.
Dans le comté de Summit, Ohio, les juges ont statué que Cybercheck ne pouvait être admis comme preuve que si Global Intelligence accordait aux accusés l’accès à son code source. Cependant, une cour d’appel de l’Ohio a récemment jugé que l’exclusion des rapports Cybercheck pour des raisons non liées à l’efficacité de la technologie était une erreur.
L’attrait persistant pour les forces de l’ordre
Malgré les controverses, de nombreux services de police continuent de s’intéresser à Cybercheck. L’outil est perçu comme une solution potentielle pour résoudre des affaires difficiles, en particulier lorsque les méthodes traditionnelles d’enquête ont échoué.
Brad Gessner, avocat en chef du procureur du comté de Summit, explique : « Nous ne voulons pas fermer les portes qui peuvent nous aider à découvrir la vérité dans nos affaires. » Cette attitude reflète le dilemme auquel sont confrontées les forces de l’ordre : comment équilibrer le besoin d’outils d’enquête efficaces avec les préoccupations éthiques et juridiques que soulèvent ces technologies.
Conclusion : Un débat qui dépasse Cybercheck
L’affaire Cybercheck met en lumière des questions plus larges sur l’utilisation des technologies de surveillance par les forces de l’ordre. Alors que la société devient de plus en plus numérique, le besoin de méthodes d’enquête adaptées se fait pressant. Cependant, l’utilisation d’outils comme Cybercheck soulève des inquiétudes quant à la protection de la vie privée et aux droits des accusés.
Le débat autour de Cybercheck illustre la nécessité d’un cadre réglementaire clair pour l’utilisation des technologies de surveillance par les forces de l’ordre. Il souligne également l’importance de la transparence et de la responsabilité dans le développement et l’utilisation de ces outils.
À mesure que la technologie continue d’évoluer, il est crucial de trouver un équilibre entre l’efficacité des enquêtes et la protection des droits individuels. L’affaire Cybercheck pourrait bien devenir un cas d’école dans ce débat en cours sur la surveillance à l’ère numérique.
Encadré : Chiffres clés
- 345 : Nombre d’organismes d’application de la loi ayant utilisé Cybercheck
- 24 000 : Nombre approximatif de recherches effectuées avec Cybercheck depuis 2017
- 309 $ : Prix par affaire pour l’utilisation de Cybercheck
- 700+ : Nombre d’algorithmes utilisés par Cybercheck selon Global Intelligence