À l’aube d’une nouvelle législature, le rapport 2024 du CNCD-11.11.11 sur la coopération belge au développement dresse un bilan en demi-teinte et appelle à des réformes ambitieuses. Dans un contexte international marqué par des crises multiples, la Belgique se trouve face à des choix cruciaux pour son engagement en faveur du développement international.
Une aide publique au développement en berne
Le constat est sans appel : l’aide publique au développement (APD) belge stagne à 0,44% du revenu national brut, loin de l’objectif international de 0,7%. Cette stagnation est d’autant plus préoccupante que la Belgique est généralement saluée pour ses choix stratégiques pertinents, notamment sa concentration sur les pays les moins avancés et les contextes fragiles.
La Belgique s’éloigne de ses engagements internationaux, déplore l’organisation. Il est urgent d’adopter une trajectoire de croissance pour atteindre les 0,7% d’ici 2030, comme le recommande l’OCDE, rappelle-t-elle.
Le rapport pointe également du doigt la « multilatéralisation » croissante de l’APD belge. En 2023, moins de la moitié de l’APD était gérée par la Direction générale de la coopération au développement (DGD), un chiffre historiquement bas. Cette tendance risque de s’accentuer avec le prochain refinancement de la Banque mondiale, au détriment des canaux gouvernementaux et non-gouvernementaux.
Des progrès qualitatifs, mais des défis persistants
Sur le plan qualitatif, l’examen à mi-parcours du Comité d’aide au développement de l’OCDE relève des progrès notables. La Coopération belge a notamment renforcé son focus sur la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Le nouveau contrat de gestion de BIO, l’agence belge d’investissement dans les pays du Sud, est également salué comme une avancée positive.
Cependant, des défis importants persistent. Le rapport souligne le manque de flexibilité budgétaire pour concrétiser l’approche « fragilité » dans les contextes les plus instables. Il appelle également à renforcer l’appropriation démocratique et l’alignement sur les priorités des pays partenaires.
La cohérence des politiques, un chantier inachevé
Le rapport du CNCD-11.11.11 met en lumière l’urgence d’améliorer la cohérence des politiques pour le développement (CPD). Si des avancées ont été enregistrées sous la législature écoulée, l’absence de mécanisme institutionnel au plus haut niveau reste problématique.
La Belgique se classe au 7e rang des pays ayant le plus d’impact négatif sur le reste du monde, selon le Sustainable Development Report, souligne le CNCD-11.11.11. Il est temps de créer une conférence interministérielle pour assurer la CPD et d’adopter un plan d’action concret.
Le rapport pointe du doigt plusieurs incohérences récentes, notamment l’adoption du Pacte européen sur la migration et l’asile, qui met à mal le droit international et les droits fondamentaux des personnes exilées.
Vers une réforme du financement du développement
Dans la perspective de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement en 2025, le CNCD-11.11.11 appelle la Belgique à jouer un rôle moteur dans trois domaines clés :
- La fiscalité internationale : Le rapport encourage la Belgique à s’engager en faveur d’une Convention-cadre des Nations Unies sur la coopération fiscale internationale, ainsi que de nouvelles sources de financement comme une taxe sur les transactions financières.
- La dette des pays du Sud : Le CNCD-11.11.11 plaide pour la création d’un cadre légal sous l’égide des Nations Unies pour la restructuration de la dette des pays du Sud, s’imposant à tous les créanciers.
- La réforme des institutions financières internationales : Le rapport recommande un réalignement des quotes-parts au FMI et à la Banque mondiale en faveur des pays du Sud, ainsi qu’une réforme de la distribution des Droits de tirage spéciaux.
À l’heure où les besoins de financement pour atteindre les Objectifs de développement durable n’ont jamais été aussi élevés, la Belgique doit se trouver du bon côté de l’histoire, conclut l’association.
Le rapport du CNCD-11.11.11 lance ainsi un appel pressant au prochain gouvernement belge : redoubler d’ambition et de créativité pour relever les défis du développement international. Alors que la Belgique s’apprête à former une nouvelle coalition, les choix qui seront faits en matière de coopération au développement auront des répercussions bien au-delà de ses frontières.