Le guide du parfait petit dictateur à l’ère des réseaux sociaux

Être un dictateur n’est plus ce que c’était ! Entre démocratie envahissante et révolutions colorées, comment un bon vieux tyran peut-il espérer garder son trône ? William B. Snyderwine vole au secours des autocrates en herbe avec son étude «The Dictator’s Dilemma», un manuel (publié en 2013, mais qui garde toute sa valeur) mi-sérieux mi-pince-sans-rire sur l’art délicat de régner d’une main de fer à l’ère de Twitter et Facebook.

Finis les temps bénis où il suffisait d’emprisonner quelques opposants pour faire taire toute contestation. Aujourd’hui, un Khaled Saïd torturé en Égypte devient un martyr viral en quelques clics. Le printemps arabe a montré la puissance mobilisatrice des réseaux sociaux face aux régimes autoritaires. Mais tout n’est pas perdu pour nos apprentis despotes ! Snyderwine, avec un humour noir, explore différentes stratégies pour rester au pouvoir malgré la menace 2.0.

L’auteur modélise d’abord mathématiquement les facteurs favorisant une révolution. Au cœur de l’équation : le nombre de révolutionnaires actifs et leur capacité à recruter via les réseaux sociaux. Ces derniers réduisent drastiquement les coûts de coordination et amplifient l’effet boule de neige. Un défi de taille pour nos pauvres dictateurs !

Alors, que faire ? La bonne vieille répression brutale ? Pas si vite ! Snyderwine démontre que l’élimination des opposants peut se retourner contre le régime à l’ère des smartphones. Chaque martyr devient une icône virale, alimentant la colère populaire. L’intimidation perd de son efficacité face à l’effet amplificateur des réseaux.

La corruption alors ? Là encore, gare aux effets pervers. Des pots-de-vin trop visibles risquent d’inciter d’autres citoyens à se rebeller pour toucher leur part du gâteau. Sans parler du risque que l’argent serve à financer l’opposition…

La censure d’Internet apparaît comme une option séduisante. La Grande Muraille numérique chinoise fait des émules. Mais attention au coût économique ! Bloquer l’accès au web, c’est aussi se priver de ses bénéfices en termes de croissance. Un équilibre délicat à trouver.


Les dictateurs doivent apprendre à s’adapter et à surmonter les défis posés par un monde qui se modernise. L’utilisation des instruments qui contribuent à mettre fin à leur règne peut les aider à se maintenir au pouvoir.

Plus subtilement, Snyderwine suggère de jouer sur la construction identitaire. En forgeant un fort sentiment national, le dictateur peut rendre la dissidence psychologiquement coûteuse. Mais là encore, les réseaux sociaux compliquent la donne en ouvrant les esprits…

In fine, l’auteur conclut, non sans ironie, que la meilleure stratégie pourrait être… d’utiliser les réseaux sociaux à son avantage ! Plutôt que de les combattre, pourquoi ne pas s’en servir pour renforcer l’identité nationale et la légitimité du régime ?

Au-delà de son ton badin, l’étude soulève des questions sérieuses sur l’impact des nouvelles technologies dans les rapports de force politiques. Elle montre bien comment les réseaux sociaux bouleversent les équilibres traditionnels entre régimes autoritaires et contestation.

Snyderwine enrichit utilement les modèles classiques de révolution en y intégrant la dimension numérique. Son approche pluridisciplinaire, mêlant théorie des jeux, économie comportementale et construction identitaire, ouvre des pistes stimulantes.

On pourra regretter que l’auteur n’approfondisse pas davantage certains aspects, comme les stratégies de désinformation en ligne. La dimension psychologique mériterait également d’être creusée, au-delà des simples calculs coûts-bénéfices.

Reste que par son approche originale et son ton décalé, cette étude constitue une contribution rafraîchissante aux débats sur l’impact politique des réseaux sociaux. De quoi faire réfléchir dictateurs comme démocrates sur les nouveaux enjeux du pouvoir à l’ère numérique.