24 juin 2024
Communiqué d’Amnesty International
Le président de la République démocratique du Congo (RDC) Félix Tshisekedi doit consacrer son deuxième et dernier mandat à remédier à la crise des droits humains qui touche le pays, a déclaré Amnesty International à la suite de l’investiture du nouveau gouvernement du pays, le 11 juin. Le nouveau gouvernement est dirigé par la Première ministre Judith Suminwa Tuluka.
Amnesty International a présenté au nouveau gouvernement un programme en cinq points, décrivant les mesures qu’il doit prendre afin d’améliorer la situation des droits humains dans le pays.
« Au cours de son mandat précédent, le président Félix Tshisekedi avait pris de nombreux engagements en matière de droits humains, mais cinq ans plus tard, rares sont les progrès qui ont été réalisés. La plupart des mesures prises en vue de protéger les droits humains ont été superficielles, inefficaces ou incomplètes », a déclaré Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.
« Les cinq prochaines années sont la dernière chance pour le président Félix Tshisekedi de bâtir un héritage durable fondé sur les droits humains. Il doit, avec le nouveau gouvernement, prendre de toute urgence des mesures pour mettre fin aux restrictions de l’espace civique, protéger la population civile dans les zones de conflit, briser le cycle de l’impunité pour les crimes de droit international, remédier aux insuffisances du système de justice pénale et assurer une gestion efficace des ressources afin de faire progresser les droits socio-économiques. »
Programme en cinq points pour le respect des droits humains
Alors que les conflits armés se sont intensifiés et que la crise humanitaire qui touche la RDC s’est aggravée ces dernières années, et dans un contexte de retrait en cours de la MONUSCO, la mission de maintien de la paix de l’ONU, Amnesty International appelle le président Félix Tshisekedi à respecter scrupuleusement le droit international humanitaire, particulièrement dans le cadre de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des opérations militaires. Le président Félix Tshisekedi doit prendre des mesures concrètes pour protéger les civil·e·s dans les zones de conflit armé, enquêter sur les causes profondes et les facteurs des conflits armés et des violences intercommunautaires et lutter contre l’impunité généralisée pour les crimes de guerre.
Amnesty International recommande au président Félix Tshisekedi de réformer le système judiciaire, qu’il a lui-même qualifié de « malade ». Les conditions de détention dans les prisons doivent devenir plus humaines, le recours systématique à la détention provisoire et à la détention arbitraire doit cesser et la peine de mort doit être abolie.
En mars 2024, après une interruption de deux décennies, le gouvernement a annoncé la reprise des exécutions de personnes condamnées à mort, affirmant que ce châtiment dissuaderait « l’infiltration » et la « trahison » au sein de l’armée. Le gouvernement a également déclaré que cette mesure aiderait à réprimer la violence des gangs, une initiative fermement dénoncée par les organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International.
« Le président Félix Tshisekedi doit annuler la décision du gouvernement et instaurer un nouveau moratoire sur les exécutions, et les autorités doivent envisager l’abolition de la peine de mort pendant ce mandat. Il est également essentiel que le système de justice pénale soit indépendant et équitable », a déclaré Tigere Chagutah.
Le président Félix Tshisekedi et le nouveau gouvernement doivent également lever de toute urgence l’« état de siège » illégal et prolongé dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri et garantir l’obligation de rendre des comptes et la justice pour les atteintes aux droits humains commises au nom de cette mesure. Les autorités doivent également adopter une législation respectueuse des droits humains protégeant et promouvant les droits aux libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association.
Malgré l’engagement du président Félix Tshisekedi à éradiquer la corruption, le gaspillage présumé de ressources publiques a empêché l’État d’allouer des ressources suffisantes aux services socio-économiques essentiels et donc d’assurer la réalisation des droits humains, notamment les droits à une alimentation adéquate, aux soins de santé, à l’eau, à l’assainissement, à l’éducation et au logement.
L’expansion des mines industrielles de cuivre et de cobalt en réponse à la demande mondiale croissante a également alimenté les atteintes de grande ampleur aux droits au logement et à la santé, notamment les expulsions forcées massives et la pollution. Amnesty International appelle le gouvernement à instaurer un moratoire sur les expulsions de masse dans le secteur minier jusqu’à ce qu’une commission d’enquête soit mise en place et achève une évaluation complète des protections juridiques existantes contre les expulsions forcées et que les réformes politiques nécessaires soient adoptées.
Le gouvernement de la RDC doit également prendre des mesures pour protéger la liberté de la presse et d’Internet, notamment en révisant le projet de loi sur la presse de 2023 et le Code du numérique afin de les mettre en conformité avec les normes internationales relatives aux droits humains.
« La crise des droits humains qui touche la RDC dure depuis déjà bien trop longtemps. La communauté internationale doit faire pression sur les autorités de la RDC pour qu’elles mettent pleinement et efficacement en œuvre les recommandations proposées », a déclaré Tigere Chagutah.
Complément d’information
Le président Félix Tshisekedi a prêté serment pour un second mandat de cinq ans en janvier 2024. Le 1er avril, il a nommé la toute première femme Première ministre du pays, Judith Suminwa Tuluka. Le 29 mai, la Première ministre a nommé son gouvernement, composé de 54 ministres. Le nouveau gouvernement a prêté serment devant le Parlement le 11 juin.
En 2019, Amnesty International avait défini dix priorités en matière de droits humains pour le gouvernement de Félix Tshisekedi, alors qu’il prenait ses fonctions pour son premier mandat.