Si l’aide humanitaire fait cruellement défaut dans la crise catastrophique dont nous sommes témoins dans la bande de Gaza occupée, les parachutages ne sont pas la solution.
Les parachutages d’aide humanitaire sont inutiles, inefficaces, terriblement insuffisants et potentiellement dangereux. Les largages à haute altitude peuvent constituer une menace pour les civils au sol. En outre, ils ne permettent de livrer qu’un nombre limité d’articles (les fournitures médicales, par exemple, sont trop fragiles pour être larguées par avion) et en petites quantités, à un coût beaucoup plus élevé que les livraisons par voie terrestre ou maritime. Ils ne représentent qu’une goutte d’eau dans l’océan au regard des besoins humanitaires criants sur le terrain à Gaza.
Dans sa newsletter du 5/3/2024, Shashank Joshi de The Economist, rappelle que « ce n’est pas la première fois que l’Amérique tente quelque chose de ce genre. Pendant la guerre civile en Bosnie, les forces serbes bosniaques ont organisé des sièges contre les musulmans. L’Amérique et ses alliés européens ont envoyé de l’aide par avion. Les Serbes ont tiré sur les avions à leur descente. C’est ainsi que les pays occidentaux ont commencé à larguer de l’aide depuis le ciel. En trois ans et demi, l’armée de l’air américaine a effectué à elle seule 2 200 sorties de parachutage à travers la Bosnie. Ces largages ont constitué une bouée de sauvetage pour les enclaves assiégées. Elles ont également constitué un moyen monumentalement inefficace d’acheminer l’aide.
En Bosnie, des études ont montré que l’acheminement de l’aide par camion coûtait environ 25 dollars par tonne. L’acheminement par avion était plus de 100 fois plus coûteux : environ 2 800 dollars par tonne, selon une estimation prudente. Il faut beaucoup plus d’efforts pour acheminer beaucoup moins d’aide. Lors de la famine en Éthiopie dans les années 1980, des avions de transport C-130 ont largué de la nourriture. Il a fallu six jours à deux d’entre eux pour livrer autant de nourriture qu’un seul convoi terrestre. L’aide acheminée par avion est souvent perdue, endommagée au moment de l’impact ou simplement pillée. »
Les organisations humanitaires ont rappelé à plusieurs reprises que les largages aériens ne devraient être utilisés qu’en dernier recours, lorsque les livraisons par route ou par mer sont impossibles. Les routes sont accessibles – des centaines de camions remplis d’aide humanitaire attendent d’ailleurs l’autorisation d’Israël à la frontière de Gaza (avec l’Égypte) – et Gaza dispose d’un port maritime le long de son littoral.
Israël peut et doit prendre plusieurs mesures pour que l’aide humanitaire parvienne à ceux qui en ont besoin à Gaza. Il s’agit notamment d’ouvrir tous les points d’accès et les points de passage disponibles pour permettre aux organisations humanitaires de transférer l’aide plus rapidement et à plus grande échelle vers les zones qui en ont besoin et de veiller à ce que les opérations humanitaires soient protégées contre les attaques militaires. Cependant, les autorités israéliennes ont refusé à plusieurs reprises de prendre des mesures pour garantir un accès adéquat à l’aide humanitaire à Gaza.
Malgré une résolution juridiquement contraignante du Conseil de sécurité des Nations unies de décembre 2023 exigeant l’utilisation de « tous les itinéraires disponibles vers et dans l’ensemble de la bande de Gaza » pour faciliter l’acheminement de l’aide, Israël n’a pas ouvert d’autres points de passage frontaliers. Actuellement, seuls deux points de passage fonctionnent : Rafah, à la frontière avec l’Égypte, et Kerem Shalom/Karem Abu Salem, à la frontière avec Israël. Les manifestants israéliens qui demandent au gouvernement de ne plus autoriser l’aide à Gaza tant que les otages n’auront pas été libérés ont bloqué à plusieurs reprises l’accès au point de passage de Kerem Shalom/Karem Abu Salem, le forçant à fermer à plusieurs reprises, parfois pendant plusieurs jours. Cinq autres points de passage pourraient être ouverts si Israël souhaitait réellement garantir un accès humanitaire sans entrave.
Il est amèrement décevant de constater que le gouvernement américain, qui continue à transférer à Israël des armes utilisées pour mener des attaques contre des civils et commettre d’autres violations du droit international à Gaza, n’est pas disposé à exercer les pressions nécessaires pour qu’Israël ouvre davantage de voies d’accès à l’aide et qu’il recourt plutôt à des largages aériens.
Le fait qu’Israël ne permette pas l’acheminement d’une aide adéquate aux Palestiniens de Gaza va à l’encontre de l’arrêt de la Cour internationale de justice visant à empêcher un génocide. Le 26 janvier, la CIJ a ordonné à Israël de prendre « des mesures immédiates et efficaces » pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et des services de base aux Palestiniens de Gaza.
La rétention de l’aide est une violation grave du droit international et dure depuis 16 ans dans le cadre du blocus illégal d’Israël. Le comportement d’Israël constitue une violation flagrante de son obligation, en tant que puissance occupante, de veiller à ce que les besoins fondamentaux des civils de Gaza soient satisfaits.